Comment vous est venue l’idée d’écrire votre livre Freud au quotidien ?
Philippe Grimbert : « Trois raisons m’y ont poussé. Ces dernières années j’ai fait des conférences et j’avais envie de transmettre ma passion pour la psychanalyse. D’autant plus que ce sont des sujets de société comme le tabac, la chanson, le cinéma, la politique. Ensuite, parce que la psychanalyse est assez mal traitée en ce moment dans les médias. J’avais envie de ne pas faire écho à ce concert de détestation freudienne et montrer que l’analyse pouvait être un outil de réflexion incroyablement stimulant. J’avais envie de m’en faire l’avocat. Enfin, j’avais envie de faire une pause dans le romanesque et revenir à mes premières amours, les essais».
Et votre intérêt pour le tabac ?
PG : « J’ai déjà écrit Pas de fumée sans Freud où je traitais de la question. Et puis, j’ai été invité dans beaucoup d’instances de réflexion sur le sujet et j’avais beaucoup avancé dans ma réflexion, faisant même des liens avec le cinéma et la photographie. J’avais donc envie d’en reparler car c’est un sujet de société formidable : de toute façon nous sommes toujours définis comme fumeurs ou non fumeurs ».
Page 47, vous dites « Nous avons tous réglé notre désir sur celui d’une femme » ? Qu’est ce que ça signifie ?
PG : « Si l’on pense que l’humain se construit toujours pas rapport à un autre et que c'est notre désir qui nous anime. On l’a construit en écho avec le désir d’un autre, des traces du désir de notre mère sont toujours présentes en nous. Ce qu’elle a désiré pour nous, ce qu’elle était, ce qu’elle a insufflé en nous. C’est l’image de la mère».
Est-ce que le désir est à l’origine de tout ?
PG : «Oui. D’une certaine façon car nous avons tous en nous une pulsion de vie, et cette pulsion est du côté du désir. Ce qu’on appelle la libido, pas seulement cantonnée au côté sexuel, mais qui est l’appétit de vie. La libido ou le désir est à la vie ce que l’appétit est à la faim : quelque chose qui nous mène vraiment. C’est terrible, on s’en rend compte dans les cas de dépression, c’est le désir qui tombe en premier. On voit bien alors qu’il n’y a plus rien qui compte, dans ces moments-là, plus rien ne retient à la vie ; c’est une souffrance affreuse».
Vous évoquez les trois stades du développement (l’oral, l’anal et le phallique). À titre d’exemple, vous qualifiez le cigare de Freud d’oral et le désir de pouvoir, c’est phallique. Où placez-vous le shopping ?
PG : « je me suis amusé avec ces trois grandes phases définies par Freud. Les trois ! Pour les accro du shopping, il y a d’abord une forme d’avidité, d’appétit, en ce disant qu’il faut acheter quelque chose. Ça, c’est l’oral. Mais comme il s’agit d’argent, il y a aussi une dimension anale. Freud nous a dit que tout ce qui concerne l’argent (dépense et avarice), se trouve du côté de la sphère anale. Encore plus même quand on achète quelque chose qu’on jette quelques jours après, comme un déchet. Et phallique, car le shopping, et surtout vestimentaire, est du côté de la prestance, de l’apparence, du maintien. C’est phallique car il s’agit d’en imposer aux autres, se faire beau, se mettre sur un piédestal par la mode».
Vous décortiquez beaucoup les oiseaux d’Hitchcock. Le cinéma vous semble-t-il une manne pour la psychanalyse ?
PG : «Oui, d’autant plus qu’ils sont nés en même temps. Ce n’est pas un hasard s’ils ont un vocabulaire commun : le scénario, la séance, l’écran, la projection. Ils sont frères jumeaux par leur naissance. La psychanalyse a beaucoup inspiré le cinéma, en particulier le cinéma d’Hitchcock. Le vrai mariage a été avec les disciples de Freud qui ont écrit un film (muet à l’époque), L’étrange cas du docteur Matthias ; ils pensaient que le cinéma était l’outil idéal pour montrer le scénario fantasmatique ou encore mettre en scène un rêve. Ça s’est avéré vrai par la suite : beaucoup de films traitent de la psychanalyse. Les attaques contre la psychanalyse montrent qu’elle est toujours aussi subversive, qu’elle a toujours un pouvoir dynamitant social, psychique, de l’humain et de la connaissance qu’il a de lui-même».
Vous parlez des désirs inconscients cachés dans une élection. Comment arrivez-vous à ce constat ?
PG : «Un journal m’avait demandé de faire un portrait psychologique de candidats. Pas évident sans les rencontrer. J’ai préféré chercher à comprendre ce qui amenait les gens à voter pour tel ou tel candidat. Sas être pessimiste, je pense que beaucoup de lecteurs ne sont pas éclairés sur le sujet. C’est-à-dire que peu ont les connaissances en politique internationale, en économie et en gestion de la crise qui leur permettraient de dire que tel candidat a raison. Si on savait réellement ce qui pousse les gens à voter, ça nous ferait frémir. À mon avis ce sont des traits inconscients, comme une ressemblance avec le père ou l’incarnation de votre histoire familiale qui fait haïr ou avoir confiance en un candidat. Je dirais que ce qui est fondamental dans ce qui nous amène à voter, c’est ce qu’on appelle en psychanalyse un transfert, une forme d’amour qui fait qu’on suppose qu’une personne a un savoir absolu et qu’on pense qu’elle a des qualités insurpassables. Le transfert ressemble beaucoup à l’état amoureux où on surestime beaucoup l’autre, qui devient une merveille. Dans les deux cas, tout ça tombe très vite. En politique, la déception est souvent rude. Le vote inconscient, c’est la partie immergée et donc la plus importante».
Quels sont vos projets ?
PG : «J ai deux projets. Je vais revenir au roman bien sûr, j’en ai un qui me travaille. Et aussi un livre sur Freud, dans la collection Entretien avec chez Plon. C’est un pari amusant car il s’agit d’inventer les questions et de chercher les réponses dans les textes de Freud. On fait parler un mort avec ses propres mots».
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