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Le printemps arabe expliqué à La Baule

La manifestation des « Écrivains en bord de mer » organisait samedi une table ronde sur le thème des mouvements populaires ayant pris place dans les pays arabes depuis le mois de janvier. Des auteurs ont fait part de leurs expériences et de leur vision de ce phénomène.

A 17 heures, Kamal Ben Hameda exprimait déjà ses réticences face au traitement de l'information concernant ces soulèvements populaires par les médias occidentaux. Pour cet auteur d'origine libyenne, la qualification de « printemps arabe » est à remettre en question face à la diversité de la structure sociale et démographique des pays touchés. S'il comprend ce raccourci journalistique, il explique néanmoins que mettre de côté cette diversité risque de remettre en cause la compréhension de ce phénomène.
De même, il critique ouvertement l'appui politique des pays européens aux mouvements révolutionnaires, en reprenant les arguments développés par ses soins dans une tribune du Monde. Selon l'auteur, l'aide de l'Occident n'a qu'un objectif ; transposer un système en crise dans une nouvelle zone afin d'observer les possibilités de contourner ses problèmes et prouver son bien fondé. Ben Hameda ne voit alors qu'une solution afin de pallier les difficultés liées à la démocratie, l'instauration d'un régime d'inspiration « post-démocratique », dans lequel chacun aurait une voix propre permettant d'exprimer de manière optimale chaque sensibilité. C'est donc dans l'instauration de cette « post-démocratie » que la littérature jouerait un rôle central en instituant par l'art la création d'un dialogue basé sur l'expression de sensibilités différentes.

La « révolution de jasmin »

Quatre auteurs arrivent à 18 heures afin de débattre et partager leur expérience de la révolution tunisienne. La table ronde commence par la lecture d'un extrait de l'ouvrage 20 ans pour plus tard, écrit par un écrivain togolais ayant séjourné en Tunisie quelques années avant la révolution. Son récit, portrait d'une « population malade » frappée par la schizophrénie et la paranoïa. La séparation entre les jeunes et la population plus âgée et « l'immémorial effacement du corps de la femme » montrent la paralysie d'un pays, à laquelle les mouvements de janvier vont tenter de remédier.
Noura Bensaad, auteure vivant en Tunisie revient sur les événements de janvier. « Le recours au suicide par immolation s'est répandu en Tunisie ces dernières années » rappelle-t-elle. Elle souligne néanmoins la force de l'acte de Mohamed Bouazizi, l'acte de désespoir et de révolte face aux harcèlements policiers dont était victime la grande partie de la population sous le régime de Ben Ali. L'émoi face à la manifestation de désespoir du jeune vendeur de fruit frappe dans un premier temps les régions pauvres et éloignées des préoccupations du pouvoir. L'auteure met aussi en avant deux des causes de la mobilisation populaire, notamment dans les grandes villes comme Tunis et Sfax. La première c'est évidemment la corruption et le népotisme des Trabelsi, famille de la femme de Ben Ali. La deuxième, c'est le nombre de morts élevés, notamment après la journée du 10 janvier, pendant laquelle une vingtaine de jeunes avaient été abattus par les forces de police. C'est cette journée, explique-t-elle, qui la fit descendre dans la rue à partir du 11 janvier.

Le rôle des réseaux sociaux

Noura Bensaad explique ensuite les difficultés connues par le gouvernement quant aux réseaux sociaux. Conscient du rôle de Facebook et Twitter dans la diffusion des images, le gouvernement avait tenté de censurer ces sites. Néanmoins, ce musellement dans l'accès à Internet a été suivi d'une réaction inattendue de la part de la population qui a tenu à résilier son abonnement Internet. Pour la fille de Ben Ali, qui gérait l'accès à Internet au travers du principal opérateur du pays, le manque à gagner était énorme et le dictateur a ainsi renoncé à avoir recours à la censure.
Pour Yamen Manai, écrivain d'origine tunisienne vivant à Paris, ces réseaux sociaux étaient la principale source d'information en sa possession. C'est toujours grâce à ces sites qu'il a pu communiquer avec la communauté tunisienne de Paris afin d'organiser des manifestations de soutien au mouvement de contestation. Passionné par les mouvements insurrectionnels qui se déroulaient de l'autre coté de la Méditerranée, l'écrivain n'a pas pu se déconnecter du flux d'informations qui lui parvenait et a démissionné de son travail afin de continuer à suivre toutes les nouvelles de la révolution.
Elisabeth Daldoul note néanmoins un problème ; depuis la fuite de Ben Ali, les réseaux sociaux ne sont plus les sources d'informations qu'ils ont été pendant la révolution. En effet, ils ont été touchés par une récupération politicienne, semant ainsi la discorde dans le rang des révolutionnaires.

Un bilan mitigé plus de 6 mois après le début du « printemps arabe »

Elisabeth Daldoul note aussi une certaine crispation en Tunisie. L'arène politique, qui était extrêmement riche pendant la révolution et au cours des semaines qui l'ont suivie s'est aujourd'hui restreinte avec la création de partis. On retrouve déjà dans ces partis d'anciens dignitaires du régime de Ben Ali, pouvant laisser penser que l'évolution politique du pays va être difficile dans les premières années de démocratie en Tunisie.
L'espace d'expression semble s'être réduit à une peau de chagrin, avec une poussée de l’extrémisme qui commence à s'exprimer de manière de plus en plus virulente et semble trouver un auditoire grandissant.

Kamal Ben Hameda tient néanmoins à souligner la solidarité et l'espoir qui sont nés au sein des populations d'Afrique du Nord. Il explique, un sourire aux lèvres, que les relations entre les Tunisiens et les Libyens, « comparables avec celles que vous entretenez avec vos voisins belges », sont maintenant des relations d'amitié et de solidarité. La population tunisienne, et notamment les familles les plus pauvres, recueille désormais les réfugiés libyens fuyant les violences de la guerre civile.

Auteur : Gaël | 25/07/2011 | 0 commentaire
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